Entretien de Monsieur Cedric Achille MBENG MEZUI avec FINANCIAL AFRIK !
Après la parution de son livre intitulé « Transformer le Gabon: scénario de la panthère ou de l’écureuil », Cedric Achille MBENG MEZUI, jeune fonctionnaire international gabonais, à la Banque Africaine de Développement (BAD) , avait accordé un entretien au Magazine Financial Afrik . Nous vous en livrons le contenu , in –extenso
Qu’est-ce qui vous a inspiré pour écrire cet Essai sur la Transformation du Gabon ?
Je pense que nous traversons une période particulièrement favorable pour les pays africains, les systèmes financiers domestiques se développent, la gestion macroéconomique se renforce, il y a une envie palpable dans la plupart des pays de poser des actes concrets, les investisseurs internationaux s’intéressent davantage aux potentiels de croissance de l’Afrique, etc. C’est dans ce contexte que l’inspiration m’est venue de faire des propositions pour compléter les initiatives entreprises à l’échelle nationale pour le développement du Gabon. Certaines de ces idées peuvent être aussi utiles aux autres pays africains.
Le Gabon est un pays riche, avec le Pétrole et le Manganèse, qu’est-ce que vous proposez ?
Le pétrole et le Manganèse représentent effectivement 90% des exportations du Gabon, ce qui laisse le pays très vulnérable à la conjoncture internationale. De plus, ces secteurs n’emploient pas beaucoup de personnes, ce qui engendre souvent, ainsi que d’autres facteurs, de fortes disparités sociales comme le relèvent les rapports du PNUD ainsi que le Plan Stratégique Gabon Emergent. C’est pourquoi, tout au long de cet ouvrage mon analyse est en ligne avec le message du Pape François sur le développement inclusif et la restauration de la dignité de la personne humaine.
Que faut-il pour transformer le Gabon ?
Je pense que l’objectif doit être l’élaboration de politiques permettant de contribuer à la restauration de la dignité des personnes via les quatre leviers transformationnels que nous proposons: (i) le système éducatif ; (ii) les infrastructures ; (iii) le système financier ; et (iv) les institutions. En effet, les institutions établissent le cadre qui permet à chaque citoyen de se réaliser. L’éducation joue un rôle central dans la réalisation des objectifs d’un pays car la performance économique repose principalement sur les ressources humaines qui ont un fort impact sur la productivité globale des facteurs. Les infrastructures sont fondamentales pour le développement humain, particulièrement pour garantir les services éducatifs et de santé. Sans elles, il n’est pas possible de mettre la technologie au service du développement. Encore faudrait-il trouver un moyen optimal pour financer ces investissements et les besoins de l’économie réelle? Pour cela, il est indispensable de bâtir un système financier performant.
J’insiste sur le fait qu’on ne doit pas tout attendre des pouvoirs publics, c’est ensemble que nous devons nous occuper des 35% de nos compatriotes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté et de la cohorte des jeunes au chômage. Il y a des concessions à faire à tous les niveaux, il faudrait utiliser la méthode des « nudges » pour y arriver.
Que proposez-vous au niveau du système éducatif ?
Mon objectif est de susciter la réflexion et le dialogue sur une question fondamentale de l’avenir de nos pays. On ne peut pas rester indifférent devant l’ampleur des échecs et abandons scolaires qui caractérisent notre système éducatif. C’est le même constat dans beaucoup de pays africains. Nous proposons la mise en place d’un système éducatif performant et innovant ; c’est-à-dire qui réinvente la croissance économique. Pour cela, la connaissance doit jouer un rôle fondateur en tant que support de sa transformation économique. C’est sur elle qu’il y a lieu de bâtir les investissements pour le développement économique.
Nous proposons de commencer par faire des enseignants (du pré-primaire au supérieur) le corps des fonctionnaires le mieux payé au Gabon, salaire de base et toutes les primes, pour attirer les meilleurs et ne pas faire de l’enseignement le choix de la deuxième chance. Il faudrait ensuite, créer le métier « d’enseignants spécialisés » dans le soutien aux élèves en difficulté, comme en Finlande. Leur rôle serait d’apporter un soutien aux autres enseignants en prenant en charge des groupes restreints d’élèves qui nécessitent une aide particulière afin de réduire les taux d’échec et de déperdition scolaire.
Au niveau du supérieur, parallèlement à l’augmentation des capacités d’accueil, nous pensons qu’il faudrait envisager l’utilisation des méthodes comme le « MOOC » et le « flipped classroom » qui permettent de dispenser des enseignements à un plus grand nombre d’étudiants en même temps. D’autres propositions sont faites pour promouvoir l’entreprenariat, le développement des œuvres culturelles, des métiers de l’alimentation et de la santé.
Nous sommes convaincus qu’une mobilisation nationale permettrait de remplir nos bibliothèques. Si chaque actif offrait au moins un livre par an pour le système éducatif national, sur la base d’une liste établie par les autorités compétentes, c’est au moins 150 mille livres qui seraient mis à la disposition de la bibliothèque nationale, des bibliothèques municipales (à créer), des centres de documentation et d’information des lycées et collèges, et bien sûr des bibliothèques universitaires. Avec le déploiement d’internet et des nouvelles technologies, on pourrait couvrir rapidement l’ensemble du territoire.
Comment le système éducatif pourrait-il aider à promouvoir des entrepreneurs ?
Nous indiquons que si on évalue les besoins dans les métiers de la construction (maçons, électriciens, peintre, plomberie, carrelage, menuiserie, charpenterie, ferraillerie, etc.) dont le Gabon a besoin pour combler son déficit de 5000 logements par an; une pépinière d’entreprises pourrait naître sur cette base. En plus, il faudrait des petites et moyennes entreprises (PME) et des très petites entreprises (TPE) pour assurer la maintenance de ces infrastructures, ce qui signifie que les élèves issus de l’enseignement technique et professionnel représentent un véritable vivier d’emplois. Nous devons encourager ces filières de l’enseignement.
Nous proposons d’accroître les interactions entre les secteurs public, privé et le monde académique. Le gouvernement gabonais pourrait jouer un rôle central dans la promotion des associations professionnelles d’ingénieurs et industriels, ainsi que dans les regroupements technologiques. Une approche concrète serait de favoriser un cadre régulier de dialogue de haut niveau avec les représentants des Grandes entreprises, des PME, des universités et des associations professionnelles pour discuter des questions relatives à l’entreprenariat et à l’industrialisation du Gabon. Un des résultats de ce dialogue pourrait être l’établissement et le suivi d’un plan cohérent pour la main d’œuvre sur dix ans.
Nous indiquons aussi que l’emplacement des établissements supérieurs et techniques devrait répondre à un besoin stratégique visant à promouvoir les interactions entre le monde académique et les professionnels. C’est pourquoi nous proposons que le plan de développement des infrastructures, le plan d’industrialisation, le plan de réformes du système éducation, etc. ne se juxtaposent pas, mais s’articulent de manière cohérente.
Le Gabon a développé un plan directeur des infrastructures, qu’apportez-vous de plus ?
Tout à fait, le plan directeur national est un document bien élaboré. Les besoins sont estimés à environ 15 ou 20 milliards de dollars d’ici 2025. A cela, il faut ajouter que le pays a aussi des challenges équivalents en ce qui concerne l’éducation et la santé. C’est pourquoi notre apport concerne davantage les méthodes de mobilisation de ressources techniques et financières pour financer de manière optimale les besoins du Gabon. Cela passe par une meilleure implication du secteur privé, ainsi qu’une nouvelle organisation de l’action publique. Cela passe aussi par la création d’institutions telles qu’une cellule PPP et des véhicules de financements structurés tels qu’une Banque Nationale d’investissement spécialisée dans la haute finance, un fonds d’infrastructure, ainsi que l’utilisation de produits financiers adaptés. Nous nous réjouissons que le Conseil des Ministres du 19 septembre dernier ait déjà entériné la création d’une unité PPP. Nos propositions seront sans doute utiles dans l’opérationnalisation de cette structure.
Cela peut prendre du temps, que faut-il faire dans l’immédiat ?
Le plus important c’est le long terme, il faut donc créer les conditions optimales pour bâtir le pays. C’est l’approche que nous avons suivi. Les infrastructures doivent servir de socle au développement technologique.
Tout en initiant ces réformes indispensables, il faudrait envoyer très tôt des signaux rassurants aux investisseurs (« quick win ») comme des appels d’offres efficaces avec une adjudication rapide et des plans d’investissements rigoureux permettant de ramener la confiance chez les investisseurs.
Comment le Gabon va-t-il faire pour trouver 15 à 20 milliards de dollars sur les 12 prochaines années ?
Nous montrons que plusieurs mécanismes sont possibles. Par exemple, le Gabon peut faire le choix d’un « Jumbo bond » mais ce serait hasardeux du fait de sa note de « rating » pour un tel niveau d’emprunt, surtout dans un contexte de « tapering ».
Une des solutions phares serait de trouver le moyen de rehausser la note de crédit du Gabon ou encore des sociétés gestionnaires de projets. Plusieurs mécanismes de rehaussement de crédit existent. Nous indiquons qu’il est inutile et couteux de mobiliser la totalité du coût estimé d’un projet au début, ce qu’il faut c’est un séquençage. Les projets doivent être conçus de manière modulable. Il y a des techniques et des produits adaptés à chaque phase du cycle de projet.
La mode est au PPP, est-ce que les conditions sont réunies pour ce type de mécanisme au Gabon ?
Nous abordons la question des PPP. Il est évident que les modes de financement traditionnels (budgets publics, emprunts bancaires, aides) ne suffisent pas pour le financement du déficit d’investissements du Gabon, surtout dans les infrastructures. Mais nous rappelons que le PPP n’est pas une martingale. Plus que dans les cas de projets publics, les PPP mal structurés présentent souvent des coûts cachés qui peuvent grever les finances publiques pendant plusieurs années. C’est pourquoi le choix de ce mode de financement doit découler d’une modélisation des gains économiques et non uniquement sur la viabilité financière qui ne prend pas en compte les externalités, notamment le surplus pour le consommateur, l’effet sur les finances publiques et sur le plan social qui sont la condition sine qua non d’un PPP gagnant-gagnant.
Vous suggérez la création d’une nouvelle ville qui serait la nouvelle Capitale du Gabon, pourquoi ?
Tout à fait, au vue de l’urbanisation galopante de Libreville et des défis dus à l’absence d’un plan d’aménagement et développement de la ville, la construction d’une nouvelle Capitale politique serait de mise. On la situerait par exemple au centre[1] du Gabon pour accélérer le développement harmonieux des autres villes de l’intérieur. Elle serait le lieu d’expérimentation d’un Plan d’aménagement et de développement durables des villes du Gabon. Elle serait aussi un lieu d’expérimentation d’une Charte Ecoconstruction et d’un plan de Déplacement. C’est pourquoi nous souhaitons que les pouvoirs publics, les concepteurs et gestionnaires d’infrastructures, ainsi que les aménageurs, utilisent « l’écologie du paysage » comme un instrument de diagnostic et d’aménagement du territoire.
Dans la plupart des pays africains, les banques participent très peu au financement de l’économie réelle, c’est le cas au Gabon aussi, que suggérez-vous ?
C’est vrai, on entend souvent parler d’absence de garanties, parfois il est dit que la liquidité est « fictive et relative », etc. Nous rappelons qu’en réalité, en dehors des cas de crises bancaires (risque systémique), les déposants ne viendront pas ensemble retirer leurs ressources. De plus, il y a une rotation importante dans les dépôts bancaires au Gabon et dans les autres pays de la CEMAC. Il y a donc des liquidités à prêter au secteur productif. Les banques doivent détenir une certaine quantité de liquidité pour des raisons prudentielles, mais à un niveau en excès elle représente un coût social. Regardons les chiffres : entre 2002 et 2010, le total des bilans bancaires a été multiplié par 2,5 dans la CEMAC, passant de 2380 à 7641 milliards de FCFA ; si on observe le niveau de l’épargne, il est au moins deux fois supérieur à celui du crédit ; etc. Il y a suffisamment des liquidités à prêter au secteur productif et aux ménages. De plus, existe-t-il meilleure garantie que les cash-flows espérés d’un bon projet ? Ce qui compte c’est de mettre en place des conditions pour favoriser l’émergence de bons projets, ainsi que des produits financiers plus adaptés à la création d’entreprises et aux besoins des ménages.
Et pourtant, il existe des tonnes de rapports sur ces questions, pourquoi ça ne bouge pas ?
John Maynard Keynes disait que « la difficulté n’est pas de comprendre les idées nouvelles, mais d’échapper aux idées anciennes ».
Vous dites que le marché interbancaire dans la cemac est inexistant, ce qui fausse la politique monétaire, pouvez-vous être plus explicite ?
L’inexistence de marchés interbancaires en cemac comme dans l’uemoa est un fait, il suffit de regarder le volume des échanges interbancaires qui sont proches de zéro entre les banques de la CEMAC. D’ailleurs, les rapports successifs de la banque de France insistent sur ce point. Cette situation fait que le taux interbancaire qui est le véritable thermomètre de la liquidité du marché interbancaire est instable, c’est-à-dire que le thermomètre est défectueux. Nous proposons de rendre le marché interbancaire effectif afin de favoriser des échanges de liquidité entre les banques, encourager l’intégration financière régionale et sécuriser les transactions et les moyens de paiement. Nous avons proposé également la création de taux interbancaires flottants comme le Xaf interbank offered rate (XAFIBOR) pour stimuler l’innovation financière et les produits de gestion de risque.
Sur la politique de change, vous proposez que le FCFA soit indexé à un panier de devises, remettez-vous en cause le lien avec le trésor français ?
L’accord avec le trésor Français est une décision entre des pays souverains, même avec une monnaie indexée, la relation peut rester intacte. Nous avons considéré la faisabilité technique, c’est ce qui nous intéresse.
L’important est de définir les caractéristiques de la politique de change qui permettrait à la CEMAC de financer le Programme Economique Régional de l’Afrique Centrale (PER) et les OMD, pour le Gabon, il s’agirait du PSGE. La monnaie doit nous permettre d’accumuler davantage de réserves de change et de limiter les sorties de capitaux, notamment les importations de véhicules et l’achat de produits non indispensables à la création de richesse domestique. Nous nous sommes appuyés sur des travaux réputés et les exemples de pays africains plus avancés comme le Maroc et la Tunisie.
Sur la gestion des réserves de change, vous proposez la création d’un Fonds souverain régional CEMAC, comment peut-il être constitué ?
En regardant le niveau des réserves de change de la sous-région, il est passé de 14 à 19 milliards de dollars E.U entre 2009 et 2013, il est anticipé à 23 milliards en 2018, et dans le même temps les taux d’intérêt réels sont négatifs en Europe. Nous avons utilisé les résultats des analyses du FMI pour la zone CEMAC en 2013, il apparaît que les niveaux de réserves de change sont largement au-dessus des niveaux optimaux pour la région. Nous avons donc le choix entre investir dans des régions où les taux réels sont négatifs, ou tout simplement prendre une partie de ces ressources pour financer les gros projets régionaux et même de soutenir des initiatives continentales.
Vous n’avez pas abordé la question de la fusion des bourses de Libreville et Douala, pourquoi ?
(rires) vous savez, la bourse de New York (Wall Street) est née de la signature d’une convention entre 24 agents de change de New York qui se réunissaient sous un arbre situé à l’emplacement actuel de cette bourse au 68, Wall Street. A Londres, les courtiers se réunissaient dans un café nommé « Jonathan’s Coffee House » qui fut rebaptisé le « Stock Exchange » en 1773, c’est ce qui a donné naissance à l’actuelle bourse de Londres (London Stock Exchange). C’est pourquoi nous avons insisté sur le fait que l’existence d’une bourse est d’abord l’expression des besoins des intervenants à la suite desquels on définit un modèle pour y répondre efficacement.
Vous suggérez d’introduire à 50% un système de capitalisation dans le système de retraite national, quelles sont les limites du système actuel ?
Les caisses de retraites doivent servir de base d’investisseurs pour les financements de long terme et l’intermédiation dans le système financier. A l’heure actuelle, la retraite des fonctionnaires est payée par le trésor public, les agents du secteur privé sont à la caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) où environ 4 à 6 actifs paient pour un retraité. Le système par capitalisation a l’avantage de booster rapidement les ressources des caisses de retraite et de développer l’industrie de la gestion d’actifs. Nous proposons d’éclater la gestion des retraites en plusieurs caisses en regroupant certains métiers, ou quelques grands ensembles en mettant en compétition les gestionnaires d’actifs. Une Autorité de régulation des caisses de retraite devrait être créée. Beaucoup parlent souvent de l’effet taille, nous rappelons que la Namibie qui a deux millions d’habitants possède près de 10 milliards de dollars dans ses caisses de retraite, soit bien plus que toutes les caisses de retraites des pays de l’OHADA mis en ensemble (voir les statistiques de la CIPRES). Il est donc indispensable de développer des ressources domestiques longues. Nous proposons également que les sociétés étatiques chargées de la gestion des ressources du pétrole et des mines, ainsi que le Fonds souverain, affectent un pourcentage de leurs résultats aux caisses de retraites aux bénéfices des pensionnaires.
Vous abordez la question de la gestion budgétaire, le Gabon compte passer à la budgétisation par objectif de programme (BOP) en 2015, que proposez-vous ?
Par le passée, des écarts importants étaient constatés entre les budgets votés, engagés et payés. La Banque Mondiale a fait un rapport exhaustif et remarquable sur cette question qui a été résumé en huit points en ce qui concerne le Gabon. Avec le soutien d’AFRITAC, les pays de la CEMAC sont en train de passer progressivement à la BOP. Toutefois, nous rappelons quelques principes qui sont bien connus de tous, gérer un budget signifie prendre des décisions majeures pour l’avenir: quel objectif poursuivre ? Comment le faire au meilleur coût ? Quelles dépenses privilégier ? Une fois les priorités définies, le séquençage des réformes est crucial pour leur réussite.
Dans le livre, vous faites beaucoup de référence à la culture, aux œuvres et institutions culturelles, qu’est-ce que le Gabon peut apporter dans ce domaine ?
Césaire indiquait « (…) qu’à tout grand réajustement politique, qu’à tout rééquilibrage d’une société, qu’à tout renouvellement des mœurs, il y a toujours un préalable qui est le préalable culturel». On ne peut pas transformer un pays, pour notre cas le Gabon, sans aborder la question culturelle. C’est par la culture que le peuple gabonais exprime son rapport et son originalité au monde. Il faut donc une politique culturelle à long terme. Les œuvres culturelles nationales peuvent constituer une véritable source de diversification économique. L’art gabonais a beaucoup inspiré l’art moderne. C’est bien le Byéri qui a inspiré « les Baigneuses » de Vlaminck en 1908, « Femme assise » de Matisse en 1915, ainsi que « Portrait de Madame Matisse », « Tête de femme » de Picasso en 1908, « Demoiselles d’Avignon » de Picasso, le « Tournesol » de Jacob Epstein en 1902, Negerplastik de Epstein en 1915, les « Trois rois » de Schimdt-Rottluf en 1915, le « portrait de Russolo » et la « Tête de jeune fille » de Carlo Carra, etc. Les figures de l’art gabonais occupent les meilleures places dans les musées du monde entier.Par exemple, j’ai mis en couverture du livre un masque Byerie gabonais qui suinte depuis plus de cent ans, malgré les tests aux rayons X, on ne sait toujours pas pourquoi il suinte autant.
Nous sommes inondés de Mangas Japonais, on connaît tous Sangoku, mais pourquoi ne donnerait-on pas un tel rayonnement à Nzé Médang, Engouang Ondo, Mbombé, au Roi Makoko, Soundjata, Chaka, etc. C’est pourquoi nous proposons que le Gabon développe davantage le secteur de la BD, des dessins animés et des jeux vidéo pour exporter la culture africaine.
De plus, sur le plan local, nous proposons l’établissement d’un Recueil de rites et traditions du Gabon, car il est inconcevable de continuer à pratiquer des actes aussi importants dans une société sans cadre légal, sans norme, etc… Il ne suffit pas de porter un pagne ou du raphia et d’inviter des joueurs de tam-tam, on doit clairement définir le déroulement des cérémonies et les symboles traditionnels.
Vous avez mis le foncier dans le chapitre des domaines d’intérêt particulier, que proposez-vous ?
La question foncière est au cœur des préoccupations des gabonais car elle est à la base de toute évolution économique, sociale, politique, anthropologiques et culturelle dans un Etat. Nous rappelons que le foncier va au-delà du Cadastre.
Dans beaucoup de nos pays, le régime de la propriété foncière en vigueur est celui fondé sur des lois qui résultent du système colonial du 19ème siècle, le Torrens Act. Nous proposons de bâtir sur les travaux d’Abdoulaye Harissou (2011) qui a analysé les grandes théories actuelles du droit foncier et suggère la création du « titre sécurisé simplifié » qui permettrait de réduire les délais d’obtention du titre foncier à 6 mois et pour un coût maximum de 70 euros.
A quels lecteurs s’adresse votre livre ?
A tous ceux qui pensent que la transformation du Gabon (et de l’Afrique) est possible. Nous récusons toute résignation. Il sera inutile à tous les prisonniers d’une pensée fixe, immuable; aux experts du « ce n’est pas possible » ; aux spécialistes des « oui mais… » ; Aux fatalistes irréductibles du fameux « on va encore faire comment ? » Comme disait le Président Kennedy : « Les problèmes du monde ne peuvent être résolus par des sceptiques ou des cyniques dont les horizons se limitent aux réalités évidentes. Nous avons besoin d’hommes capables d’imaginer ce qui n’a jamais existé. »
Un mot de fin… ?
Je terminerai en citant le Pape François dont le message a beaucoup inspiré ce livre :
« La croissance dans l’équité exige quelque chose de plus que la croissance économique, bien qu’elle la suppose ; elle demande des décisions, des programmes, des mécanismes et des processus spécifiquement orientés vers une meilleure distribution des revenus, la création d’opportunités d’emplois, une promotion intégrale des pauvres qui dépasse le simple assistanat ».
[1]Point de rencontre des provinces de la Ngounié, de l’Ogooué-Lolo, du Moyen-Ogooué et de l’Ogooué-Ivindo