La politique linguistique en éducation
Après l'indépendance, le Gabon n’a pas encouragé pas l’utilisation des langues nationales dans l'enseignement, mais ne l’a jamais interdit non plus. Dans les faits, elles n'ont pas fait l'objet d'un enseignement systématique, bien qu'elles aient toujours été utilisées dans les communications informelles. Cette situation a prévalu de la maternelle à l’université. À partir du secondaire, l’anglais fut enseigné comme langue seconde, puis une troisième langue s’ajouta à partir de la troisième année.
À la fin des années soixante-dix, le Gabon s'est engagé à promouvoir ses langues nationales en élaborant d'abord l'Atlas linguistique du Gabon et les descriptions des langues gabonaises ainsi que les lexiques spécialisés et en favorisant les médias qui utilisaient ces langues, dans le but de les introduire dans l'enseignement primaire. Cependant, les autorités on eu du mal à implanter cet enseignement en raison notamment des problématiques reliés à la planification et à la standardisation des langues maternelles locales. En même temps, les autorités ont constaté que les jeunes Gabonais scolarisés ne maîtrisaient pas bien le français parce que beaucoup ne recevaient pas une instruction de base efficace. C'est pourquoi, au début des années quatre-vingt, le gouvernement gabonais a donné comme mission au ministère de l'Éducation nationale de ne plus se contenter de simples discours politiques, mais de mettre en place une politique linguistique efficace pour la promotion et l'enseignement des langues nationales. Mais le français a continué d'être la seule langue d'enseignement dans toutes les écoles. Au cours des années, le nombre de jeunes ayant pour langue maternelle le français augmente progressivement surtout dans les villes, alors que dans les villages il conserve encore son statut de langue véhiculaire.
Il faut dire que, jusqu'à récemment, beaucoup de responsables gabonais croyaient que la promotion des langues nationales pouvait mettre un frein à l'«unité nationale» du pays. À la suite d'une campagne de sensibilisation auprès du public, on s'est rendu compte que la promotion des langues nationales n'entraînait pas nécessairement des conflits. Depuis 1997, le ministère de l'Éducation nationale est convaincu que «l'enseignement de nos langues est le seul facteur de consolidation de la relation identité culturelle et identité nationale». Une commission interministérielle a été mise sur pied en février 1997 afin de reprendre les travaux relatifs à l'enseignement des langues nationales. Depuis 2000, le ministère de l'éducation nationale a été mandaté pour mettre en place un module de langues nationales dans les écoles de formation des instituteurs et pour l'élaboration de guides pour les instituteurs et autres enseignants des langues nationales.
Malgré les recommandations des États généraux sur l’éducation, il faut bien admettre qu'aujourd'hui encore les programmes d’enseignement du Gabon restent très proches des programmes français et ne tiennent que fort peu compte des réalités sociales, culturelles et économiques du pays. L'objectif des autorités gabonaises n'est pas de remplacer le français par les langues nationales, mais de mettre en place un enseignement qui contribuerait au développement des langues gabonaises aux côtés de la langue française.
Jusqu'ici, l'enseignement des langues gabonaises n'a été dispensé qu'à titre expérimental, à partir d'une initiative privée, la Fondation Raponda-Walker qui a élaboré des manuels d'apprentissage en quelques langues locales. L'Institut pédagogique national a fondé le Département des langues nationales afin de d'élaborer des manuels didactiques et pour réfléchir sur l’enseignement des langues nationales comme langue maternelle et sur celui des langues nationales comme langue non maternelle.
De plus, un alphabet scientifique des langues gabonaises et une orthographe de ces langues ont été fixés. Actuellement, on compte plus d'une centaine de descriptions qui portent sur la phonologie, la morphologie ou quelques points spécifiques de grammaire. Il existe aussi une trentaine de langues présentant une esquisse descriptive: atege, liduma, ndumu, nzaman, ntumu, mpongwè, benga, ikota, gilumbu, yisangu, gisira, civili, yipunu, bekwil, inzébi, liwandzi, lekanigi, saké, getsogo, mvaï, nyani, pove, givungu, kombè, seki, ngubi, chiwa, geviya et gepinzipinz. Enfin, le ministère de l’Éducation nationale et la Radio nationale ont mis sur pied une émission hebdomadaire de sensibilisation sur les langues gabonaises intitulée «Nos langues, notre culture».
Il reste encore à prévoir un projet de loi pour définir le statut des langues nationales, une fois la production de matériels didactiques achevée et assurer à l’Institut pédagogique national les moyens matériels pour la conception et la réalisation de matériels didactiques. Le ministère de l’Éducation nationale constitue le fer de lance sur lequel reposent l’espoir et le souhait des Gabonais de voir leurs langues enseignées. C’est pourquoi deux axes principaux d’exécution ont été privilégiés pour la réussite de la réforme du système éducatif dans son ensemble: la formation et l’élaboration de matériels didactiques. Pour l'instant, le français reste encore l'unique langue d'enseignement.